Skip to navigation – Site map

HomeSpecial Issues from thematic work...S11« Food activism » en Europe : cha...

« Food activism » en Europe : changer de pratiques, changer de paradigmes

« Food activism » in Europe: changing practices, changing paradigms
Valeria Siniscalchi

Abstracts

Food-related mobilizations and protests include a wide range of practices, from collective acts by producers or consumers to organized social and political movements, from efforts taking place in small local areas to those involving national or international scales of action. Starting from a large and inclusive definition of « food activism », this paper aims to discuss on forms, ideas and practices of food activism that we can observe in Europe. What are the boundaries of food activism and how can we study it? What kinds of economy do « food activists » imagine or practice? What positions do activists defend and what political strategies do they employ inside Europe? Using two case studies - the international Slow Food movement and vegetable baskets systems like AMAP - I will put forward some hypotheses about the paradigms and practices of such activism. Discussing food activism allows us to understand not only the changes that occur over time in the forms of mobilization and their aims, but also links and connections between different food activisms. And it allows us to reflect also about our paradigms and our practices of research.

Top of page

Full text

Alimentation et mobilisations

1Les formes de mobilisations autour de l’alimentation que nous observons aujourd’hui sont extrêmement diversifiées et incluent un large éventail de pratiques, des actions collectives de producteurs ou consommateurs aux mouvements sociaux et politiques structurés. Les échelles d’actions sont elles aussi différentes, très localisées pour certains groupes, nationales, internationales ou transnationales pour d’autres. Dans ces pages, je me propose de mettre à l’épreuve la notion de food activism, à la fois dans une perspective ethnographique et en tant que concept opératoire utilisé pour circonscrire et analyser ces mobilisations. À partir de deux cas d’étude issus de mes propres terrains – le mouvement international Slow Food et les systèmes de paniers de légumes type AMAP –, j’avancerai quelques hypothèses concernant les paradigmes et les pratiques de ces activismes. L’analyse de certains aspects concernant leurs dimensions économique et politique me permettra d’amorcer une première analyse des points de contact et de rupture entre ces divers mouvements. Enfin, la démarche comparative permettra de réfléchir aux paradigmes et aux pratiques de recherche que nous mettons en œuvre pour étudier ces phénomènes et à leur capacité à les appréhender au plus près de l’expérience des acteurs sociaux qui y sont impliqués.

  • 1 Carole Counihan, spécialiste de gender et food studies, est professeur émérite d’anthropologie à Mi (...)
  • 2 Que nous abordions à partir d’approches différents – l’une plus intéressée aux vécus et aux récits (...)
  • 3 Ces échanges et ces réflexions ont produits d’autres rencontres et sont à l’origine du volume Food (...)

2En 2010, avec Carole Counihan, nous avons organisé un double panel sur le thème du food activism à l’American Anthropological Association Annual Meeting qui s’est tenu à New Orléans1. Nos recherches portaient sur différents aspects du mouvement Slow Food2 et notre but était d’élargir la confrontation et l’échange à d’autres perspectives de recherches et à d’autres cas d’études. La notion de food activism était très peu (ou presque pas) utilisée jusque-là, mais elle nous avait semblé une bonne entrée pour réfléchir, de manière comparative, aux formes de mobilisation autour de l’alimentation. En effet, cette notion permet d’inclure dans le même cadre d’analyse mouvements de consommateurs et mouvements paysans, ainsi que des phénomènes de tailles diverses et opérant à des échelles différentes3.

  • 4 Une première rencontre sur le thème du food activism in Europe, organisée avec Carole Counihan, a e (...)

3En restreignant le champ et l’échelle de la comparaison à l’Europe, je voudrais revenir ici sur la productivité de cette notion de food activism, tout à la fois notion « parapluie » et outil de recherche. L’Europe, en effet, permet des comparaisons à une bonne échelle car elle constitue une entité politique avec un cadre juridique (concernant la production alimentaire) et une politique économique (surtout agricole) communs, déclinés dans une grande variété de réalité nationales, régionales et micro locales. L’ensemble des politiques et des régulations concernant l’alimentation et la production agricole qui sont imposées par l’Europe génèrent, directement ou indirectement, des formes de mobilisation assez diversifiées allant d’actions peu structurées de la part de consommateurs ou de producteurs, à la création de coopératives et/ou associations qui relient les uns et les autres (comme les AMAP en France, les GAS en Italie, certaines coopératives en Espagne ou en Grèce, cf. Lamine, 2008 ; Brunori, Rossi, Guidi, 2012 ; Grasseni, 2013 ; Homs, 2014 ; Rakopoulos, 2014), jusqu’aux mouvements dotés d’une organisation politique interne structurée et articulée, comme Slow Food (Siniscalchi, 2013b) ou La Via Campesina (Thivet, 2014)4.

Pourquoi le food activism ?

  • 5 « Food has become a focal point for action (and reflection) on contemporary economic processes […] (...)
  • 6 Les textes qui abordent le rapport entre engagement et nourriture et qui analysent des cas de food (...)

4La notion de food activism permet de mettre l’accent à la fois sur l’engagement et sur la nourriture en tant qu’élément fédérateur capable de susciter des mobilisations. La nourriture – comme le souligne Richard Wilk – est à la fois un symbole efficace et un objet concret capable de catalyser des mouvements politiques et sociaux (2006 : 21-22). Plus largement, « la nourriture est devenue un point de convergence pour l’action (et pour la réflexion) sur les processus économiques contemporains […] et le plus important champ pour élaborer une économie alternative5 » rappellent Pratt et Luetchford (2014 : 1-3)6.

5Appliqué au champ de l’alimentation, le terme d’activism, dans son acception anglophone, permet de penser des formes d’engagement très diverses allant de la protestation ponctuelle et ciblée, à la mise en pratique de modes de production, de distribution ou encore de consommation conçus comme « alternatifs » par rapport à ceux de l’agro-industrie et de l’agriculture dite « conventionnelle ». La notion de food activism revoie à des associations locales ou à des organisations nationales ou transnationales qui s’attaquent au système alimentaire « conventionnel » de production, consommation, distribution, pour le modifier, dans son ensemble ou partiellement. Observer des associations de consommateurs, des coopératives agricoles, des mouvements transnationaux à travers cette même focale de l’activisme alimentaire nous permet d’abord d’être plus proches des réalités que nous essayons de comprendre et des points de vue des acteurs sociaux, sans les enfermer dans des typologies souvent artificielles et réductrices. Cette posture permet l’« adéquation empirique » nécessaire à tout travail de recherche anthropologique et fondement de sa rigueur, c’est-à-dire « l’adéquation entre le réel de référence pris comme objet et les interprétations et théorisations qu’en propose le chercheur » (Olivier de Sardan 2008 : 9). En effet, aujourd’hui, de plus en plus d’associations se définissent comme des associations de producteurs « et » de consommateurs, bien que de nombreuses recherches continuent à les penser et à les analyser comme appartenant à des sphères différentes.

  • 7 « share a sens of common cause against industrialised food provision, against cost-cutting, and aga (...)

6En nous amenant à comparer un large éventail de pratiques, de discours et de formes d’opposition, la notion de food activism nous permet de faire émerger les traits communs entre des activismes différents en même temps que les spécificités de chaque cas d’étude. Un premier trait commun à ces phénomènes apparemment éloignés est le souci d’avoir une prise directe sur la production, la distribution ou simplement le choix des produits alimentaires (Siniscalchi, Counihan, 2014). « Avoir une prise directe » peut signifier des choses très différentes selon les cas, ce qui nous amène à réfléchir aux pratiques de l’engagement et aux formes que ce dernier assume d’un cas d’étude à l’autre. Jeff Pratt et Peter Luetchford adoptent une perspective proche de celle que suis en train d’esquisser ici, et dans leur travail comparatif sur les food movements ils mettent en évidence comme les participants « partagent la perception d’une même cause commune contre l’approvisionnement alimentaire industrialisé, la réduction des coûts et la non transparence de la provenance et du contenu des aliments au détriment de la qualité et de la connaissance7 » (2014 : 2).

7L’exigence d’avoir une prise sur le système alimentaire nous conduit à repenser le rôle de l’individu dans ces changements. Changer le système alimentaire veut dire, souvent, modifier les manières de produire, de s’approvisionner, de consommer. Mais cela signifie aussi défendre un système alimentaire plus démocratique, critique, de qualité, plus juste pour les uns et pour les autres. Imaginer la possibilité pour l’individu de contribuer au changement du système à travers ses pratiques – et, ce faisant, redonner une place collective à l’individu – est un autre trait commun à ces mobilisations. Un espace d’action se crée à travers des pratiques pansées par les acteurs eux-mêmes comme étant engagées, qui prennent forme en grande partie dans la quotidienneté et non pas dans les cadres structurés de partis politiques. Ainsi l’agir (quotidien) assume une connotation politique. Il ne s’agit pas tant de politisation du privé (Buechler, 2011 : 160) que d’un engagement qui passe (aussi) par les choix de consommation alimentaire (lieux, produits, relations aux producteurs) ou de production (techniques, modes de distribution) (cf. Dubuisson-Queiller et Lamine, 2004 ; Dubuisson-Queiller, 2009). Ces divers cas de food activism mettent en place et expérimentent des modes d’organisation nouveaux ou pensés comme étant nouveaux : il arrive souvent au sein de ces groupes – collectif, association, mouvement – que se pose le problème de la démocratie, du mode de gouvernance et de prise de décision, non seulement en relation au système alimentaire mais aussi dans le fonctionnement interne de la structure. L’analyse de la dimension politique nécessite alors de prendre en compte le fonctionnement interne des groupes ainsi que leur positionnement politique et leurs relations avec les institutions aux différentes échelles. Ces relations sont parfois conflictuelles, mais le plus souvent des négociations et des proximités, des formes de collaboration ou des compromis s’établissent, même si perdure un positionnement critique vis-à-vis des politiques alimentaires ou du système économique.

  • 8 Je pense à des mobilisations ouvrières dans lesquelles les instances des travailleurs incluent des (...)

8Quels éléments devons-nous alors prendre en compte pour saisir ces mobilisations et quels cadres théoriques nous permettent de le faire ? La notion de food activism nous oblige à clarifier notre grille d’analyse. Les cadres conceptuels des analyses sociologiques portant sur les mouvements sociaux ou les théories des « nouveaux mouvements sociaux » (Buechler, 2011) s’ils nous aident à penser les formes de légitimation, d’autorité ou d’organisation interne, conduisent à chercher des ruptures ou des continuités par rapport aux mouvements des décennies précédentes. Or, bien que certains de ces mouvements se rattachent à des mobilisations ouvrières des années 1960 et 1970 ou en prennent les distances, l’analyse anthropologique permet de s’éloigner des tentatives de typologisation et de mettre l’accent sur les pratiques et les points de vue des acteurs qu’y sont impliqués, afin d’en comprendre le fonctionnement, le développement et les changements dans le temps. C’est alors par la dimension empirique qu’il est possible de saisir, entre autres, les liens que certains mouvements établissent avec des luttes ouvrières contemporaines et vice versa8.

Résistances ou alternative ?

9À quoi s’oppose-t-on ? Certaines mobilisations naissent à partir de thématiques conflictuelles qui ont un rapport étroit avec la dimension économique de la production alimentaire : les OGM, la « bétonisation » et la diminution des terrains agricoles, l’accès au foncier, les prix agricoles ou la question de la « souveraineté alimentaire ». Dans certains cas, les batailles engagées sont supposées avoir des effets directs sur les économies et sur la production alimentaire. D’autres mobilisations émergent de manière moins ouvertement conflictuelle et prônent plus de « transparence » au niveau des conditions de production, la « traçabilité » et la réduction des trajets des produits ou la réduction du nombre d’intermédiaires. Elles défendent une production agricole « de qualité », à petite échelle, respectueuse de l’environnement et de la santé.

10Au fil du temps, ces thèmes et ces batailles, lancés par un groupe ou par une association, sont assumés par d’autres – comme la bataille contre les OGM – et s’intègrent avec d’autres combats et avec d’autres objectifs. Nous observons en effet divers signes qui indiquent la circulation d’idées et le déplacement des notions. Les mots clés des uns entrent dans les vocabulaires des autres en s’enrichissant par des contenus nouveaux, comme c’est arrivé avec la notion de « souveraineté alimentaire » élaborée par La Via Campesina ou encore avec la notion de slow introduite par le mouvement Slow Food. Parallèlement, les activismes entrent en réseaux et créent des alliances, parfois liées à des conjonctures spécifiques, dans d’autres cas plus durables. Pour ces diverses raisons, ces formes de mobilisation doivent être lues en tenant compte des processus : elles évoluent dans le temps, certains groupes se défont, certaines associations échouent, d’autres s’institutionnalisent, changent de structure, se professionnalisent et se reproduisent dans le temps sous des formes différentes. Au niveau des individus, des changements interviennent aussi : certains se professionnalisent, pour d’autres l’adhésion devient engagement, d’autres encore s’éloignent. Ceux qui restent modifient leurs pratiques, changent d’approche.

11Tout ceci nous demande de situer précisément nos objets d’étude dans leur contexte culturel, politique et social pour éviter tout risque d’essentialiser ou de figer des objets mouvants que sont les mobilisations. Certains de ces éléments sont bien évidemment communs à d’autres formes de mobilisation. Mais l’intérêt des mobilisations dédiées à l’alimentation est qu’elles nous permettent d’analyser – à travers et au-delà de l’engagement – les reconfigurations des systèmes de production et de consommation, d’étudier les modes de penser et de pratiquer des alternatives économiques et de comprendre leurs interactions réciproques.

  • 9 « These movements are concerned with monetary value, the way corporations in the food chain destroy (...)

12Contesting food, pour Pratt et Luetchford, veut dire contester les méthodes agricoles non durables (parce que fondées sur l’exploitation de ressources non renouvelables), contester la rémunération des producteurs (en-dessous des niveaux de subsistance) et les prix agricoles (en-dessous des coûts de production). Pour les deux auteurs, cela veut dire aussi contester la perte de connaissance et de traçabilité, et la qualité de la nourriture (2014 : 3). Les relations sociales, l’autonomie, des prix justes, la régulation sont les mots clés de ces formes de résistance, même si leurs finalités varient beaucoup. « Ces mouvements s’intéressent à la valeur monétaire, à la manière dans laquelle les corporations de la chaine alimentaire détruisent les moyens d’existence des petits agriculteurs et des commerçants. Mais ils sont concernés aussi par la destruction des valeurs au pluriel, c’est-à-dire les qualités sociales des gens ainsi que les propriétés esthétiques des choses ou des lieux9 » (2014 : 16).

  • 10 « Retro-innovation is about developing knowledge and expertise that combines elements and practices (...)

13Contester l’alimentation mais aussi contester à travers l’alimentation, pourrait-on dire : l’espace de résistance devient l’espace d’action et d’expérimentation. Et l’expérimentation s’opère sur plusieurs registres, à la fois politique, économique et social. Les paradigmes que proposent ces activismes divers sont présentés comme des alternatives qui innovent tout en se rattachant souvent à des schémas et à des pratiques du passé (plus ou moins imaginées). L’expression de « rétro-innovation » utilisée par Stuiver (2006) à propos des stratégies de développement agricole, se révèle également utile pour comprendre ces perspectives et pour sortir de l’impasse concernant la question de la nouveauté - ou non - de ces propositions sur le plan économique : « la rétro-innovation concerne le développement de connaissances et d'expertise qui combine des éléments et des pratiques du passé (d’avant la modernisation) et du présent pour des finalités nouvelles et futures10.» (2006 :163, cf. aussi Guigoni, 2014).

  • 11 Il s’agit d’une première comparaison menée à partir de quelques-unes des caractéristiques de ces de (...)

14D’un point de vue plus général et sur la longue durée, ces activismes proposent de nouvelles manières de concevoir l’échange économique par rapport au modèle capitaliste (néolibéral) dominant, tout en entretenant de fait des relations avec ce dernier. La dimension sociale de l’échange devient une valeur à préserver ou à réintroduire là où elle semble avoir disparu. La prise de distance du système capitaliste passe par de manières « alternatives » de pratiquer le marché. D’où l’intérêt d’analyser ces phénomènes à partir de leur dimension économique. Pour ce faire, il est important de prendre en compte les imbrications entre la dimension idéologique des activismes et leurs mises en pratique, et les tensions entre les deux (Tsing, 2005), sur le plan économique ainsi que dans la sphère politique. Dans les pages qui suivent, je tenterai de mettre à l’épreuve du terrain quelques-unes de ces propositions à travers deux cas d’étude : l’un, celui des paniers de légumes (de type AMAP) dans le Sud Est de la France, très localisé et ayant comme finalité le maintien de l’agriculture « paysanne » et l’approvisionnement en produits alimentaires à l’échelle « locale » ; l’autre, celui de Slow Food, ayant la forme structurée d’un mouvement, présent dans plusieurs pays du monde, et ayant l’objectif très large d’une nourriture « bonne, propre et juste » pour tous11.

Les paniers de légumes versus Slow Food

  • 12 Ce travail a été possible grâce d’abord à un financement des Fonds de la recherche de l’EHESS d’abo (...)

15Fin 2006, j’ai engagé un terrain de longue durée sur Slow Food, d’abord en France puis dans le quartier général du mouvement, situé dans la ville de Bra, au Nord-Ouest de l’Italie. J’y ai mené pendant plus de trois ans (2009-2013) une enquête ethnographique, en étudiant les modes de fonctionnement interne et le quotidien des « activistes » ; les années suivantes, j’ai continué à suivre les principaux événements et les transformations de l’association, ainsi que ses instances politiques et les carrières de ses responsables. Parallèlement, j’ai commencé à m’intéresser aux systèmes des paniers de légumes dans la Région PACA et plus particulièrement dans l’aire urbaine de Marseille. Au départ il s’agissait de mieux comprendre le paysage associatif français concernant les thèmes de l’alimentation, mais avec, dans ce cas, une implication directe de ma part, outre l’observation participante12.

16Ce qui m’intéressait dans le système de paniers et dans la comparaison avec Slow Food c’étaient d’abord les points de contact entre les deux philosophies : le lien entre des modes de production durables et la défense de l’environnement que les deux mouvements exprimaient, leurs visions respectives de la qualité et du local, et la relation affichée entre consommation et production, avec le rôle « politique », dans chacun des deux mouvements, des consommateurs appelés dans un cas les « co-producteurs » et dans l’autre les « consomm’acteurs ». Bien que leurs perspectives théoriques ne coïncident pas totalement et soient pratiquées de manières différentes, il me semblait que les deux associations se croisaient et s’inspiraient l’une de l’autre, sans vraiment se rencontrer. C’est en effet le cas, mais seulement en partie.

17Je ne rentre pas ici dans l’analyse de l’histoire et de l’évolution de Slow Food, que j’ai eu l’occasion d’aborder dans d’autres textes (2012, 2013b, 2014a, 2014b). En résumé, Slow Food est née au milieu des années 1980 dans le Piémont, au le Nord de l’Italie, comme association de défense du plaisir de la table et de la convivialité, contre la standardisation de la nourriture. Au fil du temps, tout en gardant le thème de la nourriture comme noyau dur, les domaines d’intervention de Slow Food se sont élargis et l’association s’est développée, en termes de structure et en nombre d’adhérents, d’abord sur l’ensemble du territoire italien, puis dans d’autres pays européen, aux Etats-Unis, en Australie, au Japon et ailleurs. Aujourd’hui, les leaders de Slow Food revendiquent le caractère de « mouvement » pour leur association, laquelle s’investit de plus en plus dans d’autres batailles, sous la bannière du « bon, propre et juste » : de l’assiette à l’environnement, des produits aux producteurs, de la nourriture à l’énergie et aux économies locales et à petite échelle. Cette triade, devenue le mot clé et le slogan du mouvement, met l’accent sur la qualité (le bon), sur l’impact environnemental de la production (le propre) et sur la justice sociale vis-à-vis des producteurs et de leur condition de vie et de travail (le juste). Si Slow Food a évolué et s’est transformé dans le temps, certaines actions restent importantes dans la politique du mouvement : l’éducation au goût, la diffusion et le soutien de l’agriculture de petite échelle et la labellisation de produits, notamment.

18Si Slow Food se situe politiquement plutôt à gauche (voir au début de son histoire dans les milieux de l’extrême gauche italienne), au fil du temps l’association a acquis une forte visibilité médiatique (en Italie et au-delà) et est devenue une organisation qui agit sur le plan international et qui dialogue avec des pouvoir politiques divers, y compris avec l’Église catholique. Ce processus d’élargissement des objectifs, des terrains d’action et des contextes de diffusion de la philosophie du mouvement, s’est accompagné d’une complexification croissante de la structure et d’une inclusion de plus en plus affichée des producteurs au sein du mouvement. Parallèlement, les responsables et les leaders de Slow Food, tout comme ses adhérents les plus engagés, revendiquent de plus en plus son caractère politique.

  • 13 En tout 29 groupes locaux de distribution dans la ville de Marseille en 2015.

19De l’autre côté de la frontière, dans le Sud Est de la France, les premières « associations pour le maintien de l’agriculture paysanne » sont apparues en 2001 (cf. Lamine 2008). Nées à l’initiative de producteurs et pensées dès le début comme des systèmes pour relier la production et la consommation et offrir de nouveaux débouchés aux agriculteurs, les AMAP se sont diffusées dans tout le territoire français. En Région PACA, des scissions internes à la première association ont produit deux réseaux distincts, Alliance Provence (aujourd’hui Les AMAP de Provence) et les Paniers Marseillais (désignés par l’acronyme PAMA) le second étant exclusivement concentré sur la ville de Marseille. C’est aux PAMA que je me suis intéressée plus particulièrement. Les groupes qui le composent sont appelés des « paniers », tout comme le « panier », unité de mesure de la quantité hebdomadaire de légumes pour chaque adhérent13. Chaque groupe a un lieu de distribution hebdomadaire fixe, est composé en moyenne de 50 « familles » (un panier est calculé pour la consommation hebdomadaire d’une famille de 4 personnes), et a un seul maraîcher de référence avec lequel les adhérents établissent un contrat semestriel ou annuel. Le contrat se base sur une relation directe et de proximité entre producteurs et consommateurs. Cette proximité est pensée comme étant à la fois spatiale et sociale, car la proximité spatiale permet un contact direct hebdomadaire du producteur et des adhérents :

20« Le ‘local’ c’est ici (le lieu de distribution) c’est d’abord tout ce qui se passe ici, un lieu propice à l’échange. Puis c’est la proximité et la saisonnalité : on vit avec les légumes de notre jardin, c’est comme si on avait un jardinier qui faisait cela à notre place. En réalité c’est plus que cela parce que nous ne saurions pas le faire… C’est la proximité géographique et la proximité humaine ensemble » (C.S. consomm’acteur PAMA, 8/5/2015).

21L’échange est à la fois économique et social : non seulement les adhérents peuvent discuter avec le maraîcher et échanger entre eux, mais cette fréquentation régulière produit un effet de familiarité :

22« Les avantages c’est la joie de produire pour des gens, tu n’as pas l’impression d’être là pour nourrir juste des camions, juste des frigos, juste un intermédiaire. Tu as vraiment le contact avec des gens, qui te racontent leur vie, qui te racontent autre chose que ton métier et finalement tu as un lien social super fort et c’est un avantage qui vaut plusieurs avantages ». (T.G. agriculteur PAMA, 20/06/2013)

23Chaque maraîcher peut être associé à un ou plusieurs groupes, selon ses capacités productives et le nombre d’adhérents de chaque groupe. Il n’est pas interdit pour les producteurs de vendre une partie de leur production dans d’autres marchés (vente à la ferme, marchés paysans) bien que le modèle idéal soit imaginé pour une production exclusivement destinée aux paniers (ce qui permettrait de compenser avec des productions plus abondantes, par exemple l’été, les aléas et les productions plus maigres d’autres moments de l’année). Un élément qui caractérise ce système est en effet la dimension « solidaire » des contrats : un contrat entre un adhérent et un producteur est considéré comme étant un contrat « solidaire » car il prévoit un partage de la production et des risques. Je ne rentrerai pas ici dans les contraintes que ce système produit, ni dans les détails de son fonctionnement. Les premiers projets d’AMAP étaient centrés sur l’agriculture locale familiale et/ou de petite échelle, plus que sur les méthodes agricoles. Progressivement, un nombre croissant de systèmes de paniers a introduit des modes de production privilégiant l’agriculture biologique. D’ailleurs, l’une des raisons de la création des PAMA, au milieu des années 2000, a été la volonté de n’inclure dans son périmètre que des productions issues de l’agriculture biologique.

  • 14 « assemblage of localist and millenarian activist practices and discourses that not only responds t (...)
  • 15 « to market demand by upper-middle-class, professional, and entrepreneurial consumers for an expand (...)
  • 16 D’autres auteurs, comme Gottlieb & Joshi (2010), considèrent le mouvement pour la justice sociale d (...)

24Avec Slow Food et les AMAP, nous avons affaire d’un côté avec un mouvement transnational agissant sur le plan global pour changer le système alimentaire, et de l’autre avec un ensemble d’associations régionales ou sous régionales permettant à des consommateurs de s’approvisionner en produits frais, locaux et de qualité. On pourrait être tenté d’exporter ici le cadre dichotomique de Donald M. Nonini, élaboré à partir de terrains en North Carolina (2013). Nonini distingue et oppose en effet le local-food movement et les food-security activists. En partant de la perspective de Ekholm Friedman and Friedman (2008, 2013) sur le déclin de l’hégémonie du capitalisme occidental qui s’accompagnerait d’un retour vers d’autres formes d’identité collective différentes de l’État-Nation, Nonini prend position contre les approches qui parlent d’« un » local-food movement aux États-Unis et affirme qu’il n’y a pas un mouvement national « pour l’alimentation locale » : il s’agit plutôt « d’un assemblage de pratiques et de discours activistes, localistes et millénaristes qui non seulement réagit à la globalisation néolibérale et à la nourriture qu’elle produit, mais il rejette en grande partie le projet moderniste de l’État-Nation.14 » (2013 : 267). Ce qui est souvent décrit comme un mouvement est en réalité un ensemble de réponses « à la demande de marché de la part de consommateurs de la classe moyenne supérieure – professionnels et entrepreneurs – pour un marché élargi de produits frais, biologiques et ‘naturels’…15 » (2013 : 269). Selon Nonini, il n’y a aucun objectif de transformation « nationale » dans les stratégies et dans les idéologies de ce type de mouvement(s) et la mobilisation est minimale : bien que nourri de méfiance vis-à-vis du système alimentaire global, trop complexe et trop vaste, la réponse de la part de ces mouvements se trouve dans l’établissement de relations personnelles avec les producteurs – know your local farmer  (« connais ton agriculteur local »). Dans la perspective de Nonini, ces activistes s’opposent à ceux qui prônent une justice sociale et « un accès à la nourriture pour le grand nombre de pauvres » (2013 : 272). Ce deuxième type d’activistes a des relations plus complexes avec les banques alimentaires et avec les institutions qui régulent la distribution et l’accès à la nourriture, et agit selon des logiques morales différentes, qui visent à changer le système16.

25Si nous tirons les conséquences de la perspective interprétative de Nonini, elle fait émerger deux positions extrêmes : d’un côté le mouvement pour une nourriture locale et une agriculture soutenable et de l’autre un mouvement pour la justice sociale contre l’insécurité alimentaire. Le problème de cette dichotomie est la dichotomie elle-même : en essayant de voir de la complexité là où d’autres chercheurs produisent des amalgames et des généralisations, Nonini radicalise certaines différences et crée deux ensembles semi-homogènes, emphatisant la fragmentation du premier, ainsi que son manque de vision commune et l’absence de volonté de reformer le système.

26En outre, cette dichotomie qui prend en compte exclusivement les consommateurs - ceux qui agissent pour avoir des produits locaux et bons et ceux qui s’engagent pour changer les politiques d’accès à la nourriture et réduire les problèmes d’insécurité alimentaire – ne permet pas de voir ce qui se passe in between, non seulement entre les producteurs et les consommateurs mais aussi entre les pôles ce cette dichotomie, en termes d’activisme. L’un des avantages de la notion de food activism, en revanche, est de nous pousser à analyser précisément ce qui se passe entre producteurs et consommateurs, à prendre en compte la frontière floue qu’ils dessinent entre eux ; mais aussi à examiner comparativement des formes de mobilisations différentes, en s’interrogeant aussi sur les relations et les porosités qui existent entre elles, sans pour autant imaginer ces ensembles comme homogènes, ni supposer l’existence d’un food movement global et unitaire.

Continuités et ruptures

27À l’époque où Slow Food se tournait de plus en plus vers les producteurs et augmentait au sein du mouvement la sensibilité envers les modes de production durables, des adhérents de Slow Food France me racontaient avoir participé à la création de l’une des premières AMAP dans la région d’Aubagne. Mais, d’après leur témoignage, la relation avec le producteur n’avait pas duré à cause d’un problème de confiance. C’est beaucoup plus tard, quand le mouvement a commencé à s’ouvrir de plus en plus à d’autres expériences et à d’autres associations, que l’intérêt vis-à-vis du système des paniers s’est développé dans les bureaux du siège de Slow Food à Bra, en Italie. En cherchant de nouvelles actions pour rapprocher le monde de la production et celui de la consommation et inclure les producteurs dans le périmètre de Slow Food, les responsables de l’association italienne décident de lancer un projet pilote d’AMAP dans la province de Milan, via un groupe local Slow Food.

« Tu sais, on voudrait faire quelques choses de plus concret concernant les alliances avec les producteurs. (…) On voudrait lancer le premier projet AMAP/CSA (community supported agriculture) de Slow Food Italia. Nous le ferons avec un convivium (unité locale de Slow Food) pilote. De ce que nous avons commencé à voir, un modèle valable pourrait s’inspirer à la fois des expériences aux Etats Unis que celle françaises des AMAP… » (M.P. bureau association, Slow Food Italia, 13/01/2011).

  • 17 J’ai accompagné la délégation italienne dans la rencontre qui a eu lieu à Marseille ; en revanche, (...)

28À cette même époque, du côté des PAMA, s’exprimaient deux exigences parallèles : l’une, plus politique, était d’obtenir une visibilité et une reconnaissance plus fortes, et dans ce but d’établir des relations avec d’autres mouvements, au niveau de l’association mère ; l’autre, émanant des producteurs, était d’aller voir ailleurs d’autres expériences d’agriculture à petite échelle et des modes de distribution « alternatifs », en espérant s’en inspirer pour surmonter les problèmes auxquels le réseau et certains producteurs commençaient à être confrontés. C’est à ce moment-là que deux rencontres sont organisées, l’une à Marseille (avril 2011) et l’autre en Italie Centrale (novembre 2012). Compte tenu de mes terrains de recherche, chacune des deux structures me demande – l’une indépendamment de l’autre - de les mettre en relation et de les aider à la mise en place de ces rencontres. Bien que ces dernières n’aient produit ni les rapprochements envisagés ni les transferts de connaissance et d’expérience espérés, elles ont constitué pour moi des terrains d’observation complémentaires qui m’ont permis de mettre à l’épreuve ce que j’avais étudié dans deux contexte ethnographiques différents, en faisant émerger un certain nombre de continuités et de ruptures entre les deux systèmes17.

29Les PAMA, à travers les notions de proximité et de solidarité et en supprimant les intermédiaires, créent un système en apparence « hors marché » pour sortir des contraintes et des aléas que la grande distribution impose aux producteurs. En rapprochant les consommateurs et les producteurs, ils valorisent et rendent possible une agriculture et une alimentation de qualité. La qualité est la conséquence de l’échange direct et des possibilités qu’il offre aux agriculteurs et aux consommateurs en termes de variétés, de saisonnalité et de fraicheur :

30« Le local c’est surtout éviter les transports le maximum (…) On a des produits qui sont adaptés, qui sont plus frais. Localement on peut aussi revenir à des produits plus délicats avec plus de saveur, plus de qualité, ultrafrais, qu’on faisait plus à cause des transports, pour pouvoir les envoyer loin… » (R. R. agriculteur PAMA)

31L’échange direct, la solidarité, la proximité (ou la dimension locale) sont les points défendus par le système des paniers (cf. Lamine 2008, Poulot 2014). A ces valeurs font écho « le bon, le propre et le juste » du mouvement Slow Food. Même si cette triade n’inclut pas le « local », la relation directe producteur-consommateur est considérée comme étant indispensable pour évaluer la coprésence des trois éléments. Slow Food vise, entre autres, à créer un marché pour des produits hors marché, d’une part en incitant ses adhérents à se rapprocher de plus en plus du monde de la production, d’autre part à travers des projets de valorisation et de labellisation de produits dits « sentinelles » (Siniscalchi 2013a, 2013c). Les actions de valorisation portent aussi, bien que de manière différente, sur les produits de l’« Arche du goût », sorte de liste de produits alimentaires menacés, et plus généralement sur les petites productions locales considérées « bonnes, propres et justes ». Le but du label « sentinelle Slow Food » est de revitaliser des filières et de permettre à des producteurs de vivre de leurs produits. Cet objectif est partagé avec le système des paniers de légumes, mais dans le cas de Slow Food il suppose l’exceptionnalité de produits apparemment ordinaires (légumes, fromages, charcuteries…) qui sont singularisés par le label même :

32« Celui-ci est un produit très particulier, ce sont des biscuits faits avec des produits simples. Le cahier des charges aussi est tellement simple qu’il pourrait être utilisé par tout le monde. Mais la ‘sentinelle’ a permis de revitaliser une filière… » (G.F. responsable convivium Slow Food, Italie, 20/02/2011)

33Le prix – en moyenne plus élevé que celui d’un produit similaire sur le marché – devient l’un des éléments de singularisation de ces produits. Cet écart de prix est dû au fait qu’il s’agit souvent d’aliments issus de productions très réduites, cultivés (en ce qui concerne les espèces végétales) dans des conditions parfois difficiles ou produits seulement une partie de l’année.

34Dans le cas des paniers de légumes, en revanche, le prix est en moyenne légèrement plus bas que celui de marché. Cette caractéristique, renforcée par la fidélisation de la clientèle à travers des contrats, garantit à des petits producteurs la vente de leur production. Mais la survie des producteurs passe par la fidélité et l’engagement des adhérents sur la longue durée (non pas par des prix plus élevés). En apparence, l’argent ne circule pas dans cet échange – ou au moins il ne circule pas dans le lieu de distribution – car il est déplacé ailleurs et différé dans le temps. En effet, les adhérents payent à l’avance leurs paniers : le trésorier ou le président du groupe local (panier) réceptionne les chèques de l’année ou du semestre et les donne mensuellement au producteur. Cette absence apparente de l’argent (liée aux exigences fiscales de l’abonnement, dans la forme du contrat) permet de penser la transaction comme un échange en partie non économique.

35D’un côté, dans le cas des « sentinelles Slow Food », des prix « hors marché » pour créer un marché à des produits inadaptés à la grande distribution ; de l’autre, dans le cas des paniers de légumes, des prix plus bas mais proches des prix de marché, pour réaliser des échanges, conçus comme « hors marché ». À la base des deux systèmes, on retrouve une critique du marché, de l’économie capitaliste et de ses effets destructeurs (d’économies et de valeurs) bien que cette critique s’exprime par des pratiques différentes. Les incompréhensions et/ou les ruptures entre les deux systèmes se situent à d’autres niveaux. Elles concernent, entre autres, la question de la confiance (en relation au prix dans un cas, à la certification dans l’autre) et la vision politique de chacune des deux organisations.

  • 18 Il subit au fil du temps des augmentations, fixées d'un commun accord par les adhérents et par le p (...)

36Le prix des paniers de légumes, qui est fixe, est établi au moment du début de la relation entre un groupe d’adhérents et le producteur par les deux pôles de la relation18. Ce prix n’a pas de relation directe avec le poids des légumes qui composent le panier hebdomadaire : il est calculé sur la base de la production annuelle ou semestrielle et lissé sur plusieurs mois. La plupart des producteurs, tout en voulant se placer en dehors du marché, y compris du point de vue des prix, calculent en fait la quantité de légumes hebdomadaires en ayant comme référence les prix de marché.

37« [Le prix] c’est global, c’est vrai qu’on n’a pas un rapport de poids et de prix. Nous, on établit (le prix) en comparant, pas en calculant notre panier […] par contre, on arrive à savoir la valeur d’un panier […] Tu fais un comparatif par rapport à, si nos adhérents auraient dû acheter le même panier à Carrefour. Ça m’arrive (aussi) de faire des relevés de prix dans les magasins… » (T.G. agriculteur PAMA).

38Toutefois, le prix du panier n’est pas le résultat d’un rapport direct entre variété, quantité et prix unitaire. C'est non seulement le cas pour les légumes mais aussi pour les produits « complémentaires » (fromages, viandes, fruits, farines etc.), que les adhérents peuvent acquérir de manière facultative. Si le poids est un élément déterminant pour établir le prix, ce dernier n’est pas différencié en fonction du type de produit, contrairement à un système de marché classique : une dorade aura le même prix au kilo que le pageot, tout comme le bleu aura le même prix que la tomme. Le principe est le même : l’on ne choisit pas, mais l’on reçoit la pêche du jour dans le panier de poissons, tout comme on aura la récolte en légumes du jour en fonction de la saison. Lors des échanges entre les membres de la délégation italienne en visite à Marseille et les responsables de certaines groupes locaux des paniers, cette dissociation (apparente) entre le poids, le type de produits et le prix du panier – plus encore que le manque de choix – a été au cœur des incompréhensions manifestée par les adhérents des Slow Food envers le système des paniers : « Mais vous ne pesez pas ? », « Comment faites-vous pour savoir si les légumes reçus correspondent aux prix payés ? », demandaient avec étonnement les adhérents et les responsables de Slow Food en visite à Marseille lors de l’échange avec les responsables d’un groupe local des PAMA. Derrière ces incompréhensions on retrouve le principe de l’abonnement et du contrat solidaire du système des paniers, établi sur une durée bien plus longue que celle d’un simple échange de marché et considéré un élément important de l’engagement des consomm’acteurs. Cet élément de différence dans les pratiques et dans les conceptions des uns et des autres a également été un thème récurrent lors des rencontres des producteurs en Italie.

39En revanche, sur le plan de la qualité des produits et des modes de production, c’est le « bon, propre et juste » de Slow Food qui apparaît difficilement traduisible dans les systèmes de l’agriculture biologique pratiquée par les producteurs des paniers et souhaitée par les adhérents : « Le ‘propre’ est un peu vague pour nous », « comment fait-on pour être sûrs que les produits sont biologiques ?  », « ce n’est pas une certification… ». Du point de vue des responsables de Slow Food, « le bon, le propre et le juste » sont des critères de régulation de la production qui permettent aussi aux plus petits producteurs d’être valorisés, contrairement aux certifications biologiques souvent inaccessibles pour certains producteurs à cause des contraintes de la certification elle-même.

40Si, pour les PAMA, la confiance entre en jeu au niveau du prix des paniers de légumes, pour Slow Food la confiance est valorisée au niveau des modes de production des « sentinelles », souvent biologiques mais non certifiées. Les paramètres du « bon, propre et juste », à la base des systèmes de régulation que Slow Food met en place, ne sont pas définis de manière précise, ni mesurables (Siniscalchi 2013b), autant que la proximité ou le poids hebdomadaire des légumes dans les systèmes de paniers. Dans un cas comme dans l’autre, les labels interviennent pour garantir la qualité et l’exceptionnalité (le label « sentinelle Slow Food »), ou l’absence de produits chimiques de synthèse et la limitation de l’emploi d’intrants (le label AB). Et c’est la relation directe qui se substitue au label en l'absence de ce dernier.

Conclusions

  • 19 « trying to create some measures of closure in economic circuits involving food ».

41Dans un cas comme dans l’autre, les consommateurs sont de plus en plus impliqués dans les problématiques de la petite production agricole et sont appelés à la soutenir. Le « co-producteur » selon Slow Food est un consommateur qui « se met dans la peau » des producteurs, qui comprend les problématiques agricoles et qui pratique une consommation (engagée mais globalisée) de produits locaux (provenant du monde entier). Dans ce modèle, ce sont les producteurs qui se (ré)localisent. Le consomm’acteur est un consommateur solidaire – car il accepte de partager les risques de la production avec le producteur - dont les choix en termes d’approvisionnement sont (majoritairement) locaux. Les deux sont pensés comme ayant un rôle politique, la consommation étant un moyen d'infléchir le système (Dubuisson-Quellier & Lamine, 2004). Ces deux modèles sont sous-tendus par deux postures théoriques différentes : la globalisation « vertueuse » de Slow Food et la défense du local et de la proximité dans les systèmes de paniers. Pratt et Luetchford utilisent la distinction entre économies « ouvertes » et économies « fermées » comme des « idéal types » : « ouvert » versus « fermé », « relations de marché » versus « autarchie ». Ils n’existent pas empiriquement sous forme pure mais ils constituent des modèles pour/de l’activité économique en mesure d’orienter l’action et, dans ce sens, ils sont des idéologies politiques. Les alternatives et les food movements agissent contre le modèle de marché, « en essayant de créer des mesures de fermeture dans les circuits économiques impliquant la nourriture19 » (2014: 16).

  • 20 Terra Madre est à la fois une rencontre biennale avec des producteurs du monde entier - organisée p (...)

42Dans le cas de Slow Food et des PAMA, les deux paradigmes (la globalisation « vertueuse » et le « bon, propre et juste », le « local » et la proximité) apparaissent comme étant aussi des modèles idéaux, mais qui sont le résultat de deux philosophies et de deux histoires différentes, plus que des modèles pour l’action. Dans les pratiques des uns et des autres, les continuités sont probablement plus nombreuses que les ruptures. Les adhérents de Slow Food sont incités à pratiquer Terra Madre chez eux, c’est-à-dire à privilégier le rapport direct et de connaissance avec les producteurs de leur territoire20. Et les consomm’acteurs des PAMA élargissent de plus en plus, à travers les produits complémentaires, les limites du « local » : les agrumes, par exemple, viennent de Corse, et les noix de cajou, issues du commerce équitable, viennent d’ailleurs bien plus lointains (Consales, Guiraud, Siniscalchi, s.d.).

43Les mobilisations doivent être appréhendées en tenant compte des processus et des changements dans le temps : à cet égard, la notion de « local » des paniers se dilate tout comme les pratiques et la philosophie de Slow Food se resserrent sur les producteurs locaux tout en conservant les productions venues d’ailleurs. Dans les deux cas, la dimension éthique intervient pour penser la relation aux productions venues d’ailleurs.

44La solidarité, la souveraineté alimentaire (au sens de La Via Campesina, cf. Thivet, 2014), mais aussi la légalité, le « juste » prix, des conditions de vie et de travail justes pour les producteurs, des prix corrects pour les consommateurs et plus généralement la défense d’une nourriture bonne pour tous : ces ensembles de notions deviennent les mots clés d’un engagement politique qui passe par l’économie. Elles expriment des manières de (re)penser l’échange et la production qui mettent l’accent sur la dimension morale mais avec des finalités économiques concrètes (en termes de viabilité et de maintien des activités agricoles). Il s’agit de valeurs qui font référence à des ordres politiques et moraux socialement définis, qui permettent d’imaginer des économies alternatives au capitalisme et qui cohabitent en même temps avec des valeurs d’échange élaborées dans différents marchés (du travail, de la terre, de la production etc.) et impliquées dans la détermination des prix.

  • 21 « monetary value, associated with market relations, and the search for other kinds of value in the (...)

45Ainsi, dans ces alternatives, les imaginaires économiques s’articulent avec des imaginaires politiques, en faisant apparaître des continuités et des ruptures avec le système de marché. Les tensions qui émergent entre « valeurs monétaires associées avec des relations de marché, et la recherche d’autres types de valeurs dans la production ou dans la consommation de nourriture.21» (Pratt et Luetchford, 2014 : 7) – que l’on retrouve dans les actions de Slow Food et dans les pratiques des paniers de légumes – rappellent les tensions entre la dimension du marché et celle de la communauté, qui caractérisent tout phénomène économique (economy’s tensions, Gudeman 2008). La communauté, d’une part, fait référence aux relations sociales qui sont à la base de la production, de la distribution et de la consommation. Le marché quant à lui renvoie à la logique impersonnelle du profit. Les food activists valorisent et utilisent la dimension de la « communauté » pour affecter le système de marché. Mais dans les deux cas analysés dans ce texte, les tensions observées expriment aussi les difficultés à trouver un équilibre entre valeur et valeurs, entre paradigme politique et actions économiques concrètes.

Top of page

Bibliography

BRUNORI G., ROSSI A. & GUIDI F. 2012. « On the new social relations around and beyond food. Analysing consumers’ role and action in Gruppi di Acquisto Solidale (solidarity purchasing groups) », Sociologia Ruralis 52(1) : 1-30.

BUECHLER S.M. 2011. Understanding Social Movements. Theories from the Classical Era to the Present. Boulder, London : Paradigm Publishers.

CARRIER J.G. & LUETCHFORD P.G. (ed.) 2012. Ethical Consumption. Social Value and Economic Practice. New York, Oxford : Berghahn Books.

CONSALES J-N., GUIRAUD N. & SINISCALCHI V. s.d. « La notion de local dans les paniers de légumes à Marseille : un outil politique, une notion géographique ou un objectif idéologique ? », en préparation.

COUNIHAN C. & SINISCALCHI V. (ed.) 2014. Food Activism : Agency, Democracy and Economy. London, New York : Bloomsbury.

DUBUISSON-QUELLIER S. & LAMINE C. 2004. « Faire le marché autrement. Le cas des ‘paniers’ de fruits et de légumes bio comme mode d’engagement politique des consommateurs », Sciences de la société, 62 : 145-167.

DUBUISSON-QUELLIER S. 2009. La consommation engagée. Paris : Sciences Po, les Presses.

DUPUIS E. M. & GOODMAN D. 2005. « Should we go ‘home’ to eat ? Toward a réflexive politics of localism », Journal of Rural Studies, 21 : 359-371.

EDELMAN M. 2001. « Social Movements: Changing Paradigms and Forms of Politics », Annual Review of Anthropology 30: 285–317.

EKHOLM FRIEDMAN K. & FRIEDMAN J. 2008. The Anthropology of global systems, vol. 1 and vol. 2. Lanham, MD : AltaMira Press.

FRIEDMAN J. & EKHOLM FRIEDMAN K. 2013. « Globalization as a discourse of hegemonic crisis : A global systemic analysis », American Ethnologist 40 (2) : 244-257.

GOTTLIEB R. & JOSHI A. 2010. Food Justice. Massachusetts Institute of Technology Press.

GRAEBER, D. 2009. Direct Action. An ethnography. Oakland : AK Press

GRASSENI C. 2013. Beyond Alternative Food. Italy’s Solidarity Purchase Groups. London, New York : Bloomsbury.

GUDEMAN S. 2008. Economy’s tension. New York, Oxford : Berghahn Books.

GUIGONI A. 2014 « Retroinnovazione », AM. Antropologia Museale Etnografia Patrimoni Culture Visive, 12 (34/36) : 137-139.

KOENSLER A. & ROSSI A. 2012. « Introduzione: Comprendere il dissenso », in A. Koensler & A. Rossi (ed.) Comprendere il dissenso: Etnografia e antropo- logia dei movimenti sociali : 13-32. Perugia : Morlacchi Editore.

HOMS P. 2014. « Más allá del dualismo explotación/conservación en las cooperativas de consumo ecológico », Proceedings FAEE meeting, Tarragona.

JURIS S. J. & KHASNABISH A. (ed.) 2013. Insurgent Encounters. Transnational Activism, Ethnography, and the Political. Durham, London : Duke University Press.

LAMINE C. 2008. Les AMAP: un nouveau pacte entre producteurs et consommateurs? Gap : Éditions Yves Michel.

MIGNEMI N. 2013. « Coopératives et réutilisation sociale des biens confisqués à la mafia : le projet Libera Terra en Sicile », Recma - Revue internationale de l’économie sociale, 328 : 33-47.

MUNDLER P. 2007. « Les Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP) en Rhône-Alpes, entre marché et solidarité », Ruralia [En ligne], 20 (mis en ligne le 19 juillet 2011, consulté le 26 avril 2015. URL : http://ruralia.revues.org/1702)

NONINI D. M. 2013. « The local-food movement and the anthropology of global system », American Ethnologist 40 (2) : 267-275.

OLIVIER de SARDAN J. P. 2008. La rigueur du qualitatif: Les contraintes empiriques de l’interprétation socio-anthropologique. Louvain-la-Neuve : Academia- Bruylant.

POULOT, M. 2014. « Histoires d’AMAP franciliennes. Quand manger met le local en tous ses états » Territoire en Mouvement : 40-53 (<hal-01009951>)

PRATT J. & LUETCHFORD P. 2014 Food for Change. The Politics and values of Social Movements. London : Pluto Press.

RAKOPULOS T. 2014. « Food Activism and Antimafia Cooperatives in Contemporary Sicily », in C. Counihan & V. Siniscalchi (ed.) Food Activism: Agency, Democracy and Economy : 113-128. London, New York : Bloomsbury.

ROOS G., TERRAGNI L. & TORJUSEN H. 2007. « The local in the global – creating ethical relations between producers and consumers », Anthropology of food [En ligne], S2 | March 2007, mis en ligne le 20 avril 2007, consulté le 05 juin 2013. URL : http://aof.revues.org/489

STUIVER M. 2006. « Highlighting the Retro Side of Innovation and its Potential for Regime Change in Agriculture », in T. Marsden & J. Murdoch (ed.) Between the Local and the Global (Research in Rural Sociology and Development, Volume 12) : 147-173. Emerald Group Publishing Limited.

SINISCALCHI V. 2012. « Au-delà de l’opposition slow-fast. L’économie morale d’un mouvement / Al di là dell’opposizione slow- fast. L’economia morale di un movimento », Lo Squaderno, 26 (Exploration in Space and Society) : 67-74.

SINISCALCHI V. 2013a. « Environment, regulation and the moral economy of food in the Slow Food movement », Journal of Political Ecology 20 : 295-305.

SINISCALCHI V. 2013b. « Slow versus Fast. Economie et écologie dans le mouvement Slow Food », Terrain 60 : 132-147.

SINISCALCHI V. 2013c. « Pastori, attivisti e mercato. Pratiche economiche e logiche politiche nei Presidi Slow Food », Voci. Annuale di Scienze Umane X : 173-182.

SINISCALCHI V. & COUNIHAN C. 2014. «Ethnography of Food Activism», in C. Counihan & V. Siniscalchi (ed.) Food Activism: Agency, Democracy and Economy : 3-12. London, New York : Bloomsbury.

SINISCALCHI V. 2014a. « Slow Food Activism between Politics and Economy », in C. Counihan & V. Siniscalchi (ed..) Food Activism: Agency, Democracy and Economy : 225-241. London, New York : Bloomsbury.

SINISCALCHI V. 2014b. « La politique dans l'assiette : restaurants et restaurateurs dans le mouvement Slow Food en Italie », Ethnologie Française XLIV (1) : 73-83.

THIVET D. 2014. « Peasants’ Transnational Mobilization for Food Sovereignty », in C. Counihan & V. Siniscalchi (ed.) Food Activism: Agency, Democracy and Economy : 193-209. London, New York : Bloomsbury.

TSING A. L. 2005. Frictions. An ethnography of Global Connection. Princeton, Oxford : Princeton University Press.

WILK R. 2006. « From Wild Weeds to Artisanal Cheese », in R. Wilk (ed.), Fast Food/Slow Food : The Cultural Economy of the Global Food System : 13-28. Lanham, MD : AltaMira Press.

Top of page

Notes

1 Carole Counihan, spécialiste de gender et food studies, est professeur émérite d’anthropologie à Millersville University. Je voudrais la remercier ici pour les échanges que continuons à avoir sur ces thématiques. J’adresse un remerciement particulier également à Geneviève Marotel pour la relecture attentive de ce texte et pour les conversations toujours riches que nous avons autour de la production et de la consommation alimentaire.

2 Que nous abordions à partir d’approches différents – l’une plus intéressée aux vécus et aux récits des adhérents engagés dans des actions locales, l’autre travaillant sur le fonctionnement interne et les enjeux du mouvement : Carole Counihan Italian Food Activism: Taste, Place and Education in the Sardinian Alternative Food Movement, en cours, Valeria Siniscalchi, Slow Food: The Economy and Politics of a Global Movement, Bloomsbury, en cours.

3 Ces échanges et ces réflexions ont produits d’autres rencontres et sont à l’origine du volume Food Activism. Democracy, economy, agency (Bloomsbury, 2014).

4 Une première rencontre sur le thème du food activism in Europe, organisée avec Carole Counihan, a eu lieu à Washington en 2014 ; une deuxième, organisée avec Krista Harper, aura lieu à Denver en 2015.

5 « Food has become a focal point for action (and reflection) on contemporary economic processes […] the most prominent area in which people try to realise an alternative economy. »

6 Les textes qui abordent le rapport entre engagement et nourriture et qui analysent des cas de food activism sont nombreux. Certains auteurs se situent au cœur de ces mouvements, d’autres plus en périphérie, en manifestant des positionnements divers qui vont de postures détachées jusqu’à l’engagement personnel au sein de ces mouvements. Sur ces questions, cf. entre autres Groeber (2009), Koensler et Rossi (2012), Juris et Khasnabish (2013).

7 « share a sens of common cause against industrialised food provision, against cost-cutting, and against the obfuscation of provenance and content at the expense of quality and knowledge about food. »

8 Je pense à des mobilisations ouvrières dans lesquelles les instances des travailleurs incluent des dimensions environnementalistes ou ayant à voir avec la revitalisation de secteurs de productions agricoles « locales », comme par exemple dans le cas de l’usine Fralib à Gémenos analysé par F. Berlieux dans son travail de thèse (en cours), « Repenser et réintroduire le travail dans une société localisée. L'expérience du projet de reprise de leur activité par les ouvriers de Fralib » (EHESS, Centre Norbert Elias).

9 « These movements are concerned with monetary value, the way corporations in the food chain destroy livelihoods of small farmers or shopkeepers. But they are also concerned with the distruction of values in the plural, whether the social qualities of people or the aestetic properties of things and places. »

10 « Retro-innovation is about developing knowledge and expertise that combines elements and practices from the past (from before modernisation) and the present and configures these elements for new and future purposes. »

11 Il s’agit d’une première comparaison menée à partir de quelques-unes des caractéristiques de ces deux systèmes et qui vise à ouvrir des pistes pour des analyses ultérieures. D’autres analyses comparatives – y compris dans les pages de cette revue - prennent en compte Slow Food et des systèmes type AMAP. Elles se basent en grande partie sur les discours officiels et sur le modèle théorique de ces systèmes mais pas sur des analyses ethnographiques. Le texte de Roos, Terragni et Torjusen (2007), par exemple, s’interroge sur la création de relations « éthiques » dans ces deux systèmes, ainsi que dans le commerce équitable.

12 Ce travail a été possible grâce d’abord à un financement des Fonds de la recherche de l’EHESS d’abord (2009), puis à un premier projet interdisciplinaire financé par la Région PACA (DEVAMAP, coordonné par J. Rouchier, 2010-12) et enfin à un deuxième projet, EQUALIM-TERR (2012-2015) que j’ai coordonné et qui vient de s’achever.

13 En tout 29 groupes locaux de distribution dans la ville de Marseille en 2015.

14 « assemblage of localist and millenarian activist practices and discourses that not only responds to neoliberal globalisation and the food it produces but also rejects in large part the modernist project of the nation-state. »

15 « to market demand by upper-middle-class, professional, and entrepreneurial consumers for an expanded market in fresh, organic, and ‘natural’ produce… ».

16 D’autres auteurs, comme Gottlieb & Joshi (2010), considèrent le mouvement pour la justice sociale dans une acception plus large, comme un mouvement qui vise à transformer le système alimentaire from seed to table – des semences à la table – en termes plus équitables.

17 J’ai accompagné la délégation italienne dans la rencontre qui a eu lieu à Marseille ; en revanche, c’est une autre chercheuse du groupe de recherche, Nicoletta Stendardo, qui a accompagné les producteurs des PAMA pendant leur voyage en Italie.

18 Il subit au fil du temps des augmentations, fixées d'un commun accord par les adhérents et par le producteur. Pour une réflexion sur la question des prix et des modes de fixation, cf. entre autres Dubuisson-Queiller et Lamine (2004) et Mundler (2007).

19 « trying to create some measures of closure in economic circuits involving food ».

20 Terra Madre est à la fois une rencontre biennale avec des producteurs du monde entier - organisée par Slow Food depuis 2004 - le réseau que ces rencontres permettent de créer et aussi une posture qui se traduit par l’attention toujours plus grande envers les problématiques agricoles (cf. Siniscalchi 2013b).

21 « monetary value, associated with market relations, and the search for other kinds of value in the production or consumption of food ».

Top of page

References

Electronic reference

Valeria Siniscalchi, « Food activism » en Europe : changer de pratiques, changer de paradigmesAnthropology of food [Online], S11 | 2015, Online since 05 November 2015, connection on 28 March 2024. URL: http://journals.openedition.org/aof/7920; DOI: https://doi.org/10.4000/aof.7920

Top of page

About the author

Valeria Siniscalchi

anthropologue, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), Centre Norbert Elias, Marseille, valeria.siniscalchi@ehess.fr

Top of page

Copyright

CC-BY-NC-ND-4.0

The text only may be used under licence CC BY-NC-ND 4.0. All other elements (illustrations, imported files) are “All rights reserved”, unless otherwise stated.

Top of page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search