SESSION#1 De nouvelles démarches en agriculture pour plus de durabilité ?


Le modèle agricole dominant actuel ne fait plus ses preuves face aux crises et aux nouveaux enjeux environnementaux, sociaux et économiques. Mais comment organiser à grande échelle une transition ers des systèmes de production plus durables ? Le paradigme du développement durable et la prise de conscience écologique poussent certes, depuis plusieurs années, les agriculteurs à avoir un nouveau regard sur leurs façons de produire. Mais ce changement implique un engagement de l’ensemble des acteurs des systèmes alimentaires afin de concevoir de nouvelles formes de production et d’organisation qui permettent ces transformations. L’agriculture, au-delà de la pratique, doit être pensée d’une manière différente pour prendre en compte l’ensemble des enjeux alimentaires. En contexte urbain, cette problématique est d’autant plus capitale que les villes, qui concentrent bassin de consommation et de production, regroupent une grande partie des enjeux auxquels sont confrontés nos systèmes alimentaires, dont la pression foncière qui complexifie l’aménagement du territoire.

Face à ces constats, des agriculteurs, à l’échelle individuelle, s’engagent dans cette transition. Dominique Soulier, éleveur de porcs en zone péri-urbaine (La Boissière – 34), nous a présenté lors de la Journée des innovations pour une alimentation durable (Jipad) du 04 avril 2019, sa ferme et les moyens qu’il met en œuvre pour s’inscrire dans cette transition. À travers son témoignage, c’est la nécessité d’accompagner et de faire reconnaître les acteurs du changement qui apparaît clairement, afin de permettre à ces alternatives de devenir dominantes. Dominique Soulier, en effet, met en avant les « antagonismes entre des paysans [comme lui] qui ne sont pas aidés » et les enjeux à relever. Il revendique la nécessité de créer un « écosystème paysan [qui] travaille, [qui] évolue ensemble » afin d’encourager de réels changements. Pour illustrer son discours, il prend l’exemple de la reproduction animale : « Où est l’innovation ? Est-elle dans le fait que la vie est capable de se reproduire dans le champ du paysan ou est-elle dans le business de paillettes surgelées ? ». Enfin, il dénonce les contraintes encore trop présentes, ne permettant pas à un plus grand nombre d’agriculteurs de se tourner vers des modèles de production plus durables : accès au foncier, durcissement des normes sanitaires, services agricoles peu accessibles, agribashing qui les dévalorise, accès aux connaissances scientifiques, manque de reconnaissance de l’expérimentation paysanne et manque de structures d’appui technique pour les productions alternatives. Ce témoignage nous montre ainsi l’intérêt de penser à des solutions permettant un change-ment d’échelle. Certes, des alternatives existent mais elles se cantonnent souvent à l’échelle des exploitations et elles peinent à faire système. Le système « alternatif » est toujours aujourd’hui largement minoritaire et manque de moyens pour montrer sa valeur.

Ce chapitre propose trois innovations rencontrées dans les paysages agricoles français et africain qui illustrent une petite partie de la diversité existante mais qui ont le mérite de chercher à maximiser les impacts positifs des systèmes de production agricoles en transition. Elles questionnent plusieurs échelles, celles de la ville, de la région et du pays. Ce chapitre présente en premier lieu une innovation technique : l’agriculture de précision et l’intérêt qu’elle pourrait avoir en Afrique de l’Ouest afin de valoriser les pratiques économes en intrants des exploitations. Puis, en France, une innovation juridique propose aux collectivités un outil de protection des zones agricoles et naturelles pour permettre une préservation des espaces périurbains non bâtis face à l’étalement urbain. Enfin, une innovation organisationnelle propose, à travers un processus de co-construction d’un projet de recherche pour le développement d’une agroécologie paysanne en Occitanie, des pistes d’actions pour décloisonner les savoirs et rendre accessible la connaissance scientifique.

À travers ces exemples, nous détaillerons com-ment se construisent ces outils, comment les acteurs investis dans la transition de nos systèmes alimentaires se les approprient et com-ment ces outils contribuent à la durabilité des systèmes alimentaires. Au-delà des innovations présentées, nous cherchons à réfléchir aux conditions politiques et institutionnelles permettant un changement d’échelle de ces initiatives.

Noé Ndilmbaye, Lisa Gerbal, Amandine Aguera

Noé Ndilmbaye

Quel intérêt pour l’agriculture de précision en Afrique de l’Ouest ?

Lisa Gerbal

Le PAEN, une innovation dans la protection du foncier agricole et le soutien à l’agriculture dans l’Hérault ?

Amandine Aguera

Co-construction d’un projet de recherche pour le développement d’une agroécologie paysanne : le cas du projet pilote de la Boutique des Sciences Occcitanie.