La Palanche, un drive « zéro déchet » qui promeut l’alimentation durable 

Marie May

MOTS-CLÉS : CIRCUITS COURTS DE PROXIMITÉ, DRIVE, ZÉRO DÉCHET, RELOCALISATION

Aujourd’hui dans le monde, près de 40 % du plastique est dédié à la production d’emballages, dont la grande majorité finit dans notre poubelle au bout de quelques jours, voire quelques heures (WWF France, 2020). Devenus des matériaux omniprésents dans notre quotidien, les emballages plastiques accumulent aujourd’hui de plus en plus de griefs à leur encontre du fait de leur rôle dominant dans la pollution de l’environnement. Repenser nos modes de distribution et de consommation est donc impératif pour sortir du plastique à usage unique et, plus globalement, du « jetable ». Des citoyens se mobilisent ainsi pour reprendre le contrôle sur ce qui est produit, ce qui est mangé et la façon dont on échange autour de l’alimentation sur un territoire. C’est fort de ces convictions que quatre citoyens engagés ont décidé de développer un drive « zéro déchet » à Saint-Gély-du-Fesc, dans la banlieue nord de Montpellier, en 2020. C’est un nouveau type de circuit de distribution qui permet de repenser sa manière d’acheter et de consommer tout en valorisant les producteurs locaux de son territoire.

LE PLASTIQUE, UN MATÉRIAU QUI N’EMBALLE PLUS

Les emballages plastiques au cœur des enjeux environnementaux et sanitaires

Au cœur du siècle dernier, les emballages plastiques ont accompagné les profonds changements dans les pratiques de consommation des Français. Par sa légèreté, son prix bon marché, sa robustesse et les différentes possibilités de mise en forme qu’il offre, le plastique s’est imposé depuis les années 1960 comme le matériel incontournable pour répondre à toutes les fonctions de l’emballage alimentaire. Dans un premier lieu, il permet de garantir la sécurité sanitaire du produit en le protégeant durant son transport et son stockage. Il joue également un rôle de support d’informations auprès du consommateur. Il peut ainsi informer ce dernier sur certains aspects nutritionnels du produit ou bien sur comment et où l’aliment a été produit. Enfin, il joue un rôle de support de communication marketing en donnant envie au consommateur d’acheter le produit. L’emballage plastique accompagne depuis lors notre consommation quotidienne et représente aujourd’hui environ un quart des emballages ménagers en poids (WWF France, 2020).

Malgré la révolution qu’il a provoquée dans de nombreux secteurs, le plastique est une matière qui concentre aujourd’hui de nombreux enjeux environnementaux et sanitaires. En effet, la consommation importante de matières fossiles, comme le pétrole utilisé lors de sa phase de fabrication, ainsi que le CO2 rejeté lors de son incinération, fait du plastique une matière première fortement émettrice de gaz à effet de serre. De plus, lors des différentes phases de son cycle de vie, des éléments toxiques et cancérigènes sont rejetés, ce qui représente un danger pour la santé humaine (Azoulay et al., 2019). Au-delà de ces étapes clés, le plastique est à l’origine d’une pollution, présente tout au long de son cycle de vie, due à une diffusion de microparticules provenant du produit plastique d’origine qui contaminent toutes les zones environnementales (air, eau et sol), mais aussi tous les éléments avec lesquels il est en contact (nourriture, peau, etc.) (Zero Waste France, 2019).

Le recyclage, une fausse bonne solution

Actuellement, les actions développées et mises en place pour limiter l’impact environnemental des emballages plastiques se concentrent en majorité sur la gestion de la fin de vie. En effet, le recyclage est aujourd’hui présenté comme la solution la plus adéquate pour contrer ce problème d’accumulation et de pollution plastique. Toutefois, le recyclage connaît de nombreuses limites. Premièrement, le taux de recyclage peut varier nettement d’un type de matériel à un autre, de 85 % pour le verre à 29 % pour le plastique en France (CITEO, 2019). Ainsi, sur les 1,2 million de tonnes d’emballages plastiques ménagers mis en marché chaque année en France, seulement 26,5 % sont recyclés, le reste étant enfoui ou incinéré (WWF France, 2020). Deuxièmement, lorsque les emballages plastiques sont bel et bien recyclés, la chaîne de valeur ne fonctionne pas en boucle fermée. En effet, la matière plastique perd en qualité au fil des opérations de recyclage, empêchant de la réutiliser pour le même usage. C’est ce qu’on appelle le downcycling ou le décyclage.

Face à ce constat, des voix se sont élevées pour remettre en cause le recyclage comme solution optimale aux problèmes posés par les emballages plastiques alimentaires. C’est le cas de Flore Berlingen, ancienne directrice de Zero Waste France, qui présente le tout-recyclage comme un mythe qui nous empêcherait de sortir de l’ère du jetable et continuerait de nous encourager à consommer des emballages à usage unique (Berlingen, 2020). En effet, le recyclage peut entraîner un effet rebond de surconsommation d’emballages plastiques. Une étude de 2012 réalisée par les chercheurs Jesse R. Catlin et Yitong Wang a montré que l’individu, dès lors qu’il sait que le recyclage de son bien est possible, va d’autant plus consommer, débarrassé qu’il est de toute forme de « culpabilité écologique » (Catlin et Wang, 2012).

Ainsi, même si le recyclage reste indispensable pour la gestion de nos déchets plastiques, il est impératif de le conjuguer à un changement de modèle d’emballage visant une réduction drastique de la consommation d’emballages plastiques.

Un changement de modèle de consommation plébiscité par les consommateurs…

Les consommateurs sont de plus en plus conscients et sensibles aux problématiques liées à la pollution du plastique et tentent d’y remédier en se tournant vers des modes de consommation dits « zéro déchet ». Ainsi, depuis quelques années, la vente en vrac s’est imposée comme une alternative convaincante pour remplacer les emballages alimentaires. En effet, l’achat en vrac présente plusieurs intérêts pour le consommateur. En plus de l’élimination de l’emballage plastique, le vrac permet par exemple de limiter le gaspillage alimentaire en achetant seulement la quantité nécessaire, ce qui évite de jeter des aliments non consommés. Des magasins spécialisés dans la vente en vrac fleurissent un peu partout en France. Le réseau de franchises d’épiceries en vrac Day by Day est un exemple probant du développement de ce mode de consommation. Il compte aujourd’hui soixante-douze magasins en France et en Belgique. De son côté, la grande distribution n’est pas en reste et ouvre de plus en plus de rayons en vrac pour répondre à cette nouvelle demande.

… mais également par les politiques

La nécessité de changer de modèle d’emballage est aujourd’hui de plus en plus partagée par les citoyens. Ainsi, selon une étude de 2019 réalisée par l’institut de sondage IFOP pour le WWF, 85 % des Français interrogés se sont déclarés favorables à l’interdiction des produits et emballages plastiques à usage unique et 88 % à la mise en place d’un système de consigne permettant le réemploi des bouteilles et emballages (Ifop, 2019). Face à cette demande sociétale, de récentes évolutions réglementaires ont été prises aux niveaux européen et français. La directive européenne du 5 juin 2019, nommée « directive relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement », a interdit la mise en marché de plusieurs produits plastiques à usage unique (couverts, pailles, etc.) et a appelé les États membres à adopter des mesures pour atteindre cet objectif. C’est ainsi qu’en France, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, promulguée en février 2020, a pour ambition la fin des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040.

Le projet de La Palanche s’inscrit dans ce contexte politique confirmant le changement de modèle à venir et répond à la demande de plus en plus forte des consommateurs pour des solutions alternatives « zéro déchet ».

LA PALANCHE, UN DRIVE PAS COMME LES AUTRES


Le succès des drives alimentaires en France

Ces dernières années, la grande distribution alimentaire a bien compris l’enjeu autour du e-commerce porté par les drives. En effet, des nouvelles pratiques de consommation ont émergé du fait de consommateurs soucieux de passer moins de temps à faire leurs courses alimentaires. Face à ce constat, toutes les grandes enseignes ont développé leurs drives. Aujourd’hui, il en existe environ cinq mille deux cents sur l’ensemble du territoire français, ce qui représente environ 10 % des produits vendus par les grandes surfaces. Les deux confinements mis en place en mars et novembre 2020 pour lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19 ont été un catalyseur de croissance pour les drives. Ils ont poussé de plus en plus de consommateurs à se tourner vers le e-commerce en raison des mesures de distanciation sociale préconisées. D’autre part, la crise sanitaire a aussi vu le développement des drives locaux avec des producteurs de produits maraîchers, carnés et autres, qui se sont regroupés pour proposer à leur clientèle une continuité dans leurs habitudes de consommation. Face à l’engouement de ce phénomène, des drives alternatifs portés par des citoyens engagés émergent un peu partout en France. C’est le cas des drives « zéro déchet » qui allient le côté pratique et rapide du drive et le côté écologique des courses sans emballages plastiques grâce au vrac. Le drive « zéro déchet » La Palanche est l’un d’entre eux.

La genèse du projet

L’histoire de La Palanche commence avec Priscille Bioux et Sébastien Miau, deux des quatre cofondateurs du projet. Grands convaincus et pratiquants du « zéro déchet » depuis des années, ils ont ressenti le besoin de simplifier leurs courses en vrac. En effet, ce mode de consommation n’est pas toujours simple et demande de l’organisation et du temps. Habitant loin d’un magasin spécialisé en vrac, Priscille et Sébastien avaient ainsi pour habitude de préparer une valise de bocaux et de sachets vides, destinés à contenir leurs produits en vrac, jusqu’au magasin le plus proche qui se trouvait dans le centre-ville de Montpellier. C’est donc face à la complexité de leurs courses qu’ils décident d’agir et commencent à réfléchir à la création d’un drive en vrac. Rejoints par Marisa Peyre et Julie Boucher, ils décident de se faire accompagner par l’incubateur Alter’Incub. En octobre 2019, La Palanche arrive en 4e position sur 120 projets lors de l’appel à projets organisé par la Région Occitanie pour soutenir des innovations sur le thème de l’économie circulaire et de la réduction des déchets. En parallèle de ce soutien financier de la Région, ils décident au printemps 2020 de faire appel à un financement participatif au travers d’un crowdfunding sur la plateforme Miimosa qui leur a permis de collecter un peu plus de 10 000 euros afin d’investir dans une grande quantité de bocaux en verre. En juin 2020, un local est trouvé dans la zone industrielle de Saint-Gély-du-Fesc (situé à 10 km au nord de Montpellier) et des travaux sont lancés. Le drive « zéro déchet » La Palanche ouvre finalement ses portes en septembre 2020. Pour se faire connaître, l’ouverture officielle s’est accompagnée d’une campagne de communication. Des affiches publicitaires ont été placardées dans les abribus de Saint-Gély-du-Fesc et dans le nord de Montpellier (Figure 1). Des articles sont parus dans la presse locale et les comptes Facebook et Instagram officiels de La Palanche ont joué un rôle essentiel pour rassembler et alimenter une communauté de soutien au projet.

Les objectifs
Le drive « zéro déchet » de La Palanche a trois objectifs principaux :
  réduire drastiquement les déchets provenant d’emballages plastiques : tous les produits de La Palanche sont conditionnés en vrac dans des bocaux en verre et dans des sachets réutilisables en coton. L’ensemble des bocaux et autres contenants plus spécifiques sont consignés, permettant ainsi de soutenir une économie circulaire à l’échelle de l’entreprise ;
  faciliter l’achat de produits en vrac pour les consommateurs grâce au principe du drive. En effet, malgré un développement des magasins spécialisés en vrac en France, les enseignes proposant une diversité importante de produits restent encore assez rares et dans le cas où ils existent, ils sont le plus souvent concentrés en centre-ville. Afin de trouver l’ensemble des produits dont ils ont besoin, les consommateurs doivent donc se déplacer dans plusieurs magasins, souvent éloignés les uns des autres. De plus, une nouvelle organisation d’achat doit être mise en place : le consommateur doit préparer ses contenants à l’avance, les transporter, les remplir avec la bonne quantité de produit puis les laver afin de les réutiliser. Cette logistique peut rendre la tâche contraignante et donc empêcher certaines personnes de se tourner vers le vrac. Le principe du drive « zéro déchet » est donc de faire toutes ces taches à la place du consommateur et de lui proposer une gamme diversifiée de produits en vrac lui permettant de faire l’ensemble de ses courses dans un seul et même endroit ;
  rendre accessible au plus grand nombre des produits en vrac, bio et les plus locaux possible. La Palanche souhaite ainsi à moyen terme proposer une gamme de produits en vrac à prix réduits pour répondre à la demande des personnes à petit budget.

Le mode de fonctionnement

Le drive « zéro déchet » La Palanche fonctionne comme un drive de grande surface classique. Les clients font leur commande sur le site Internet puis choisissent un créneau horaire et le lieu où ils souhaiteront récupérer leur commande. Ils ont le choix entre l’entrepôt de Saint-Gély-du-Fesc ou deux lieux de retrait situés dans le nord de Montpellier, le mardi et le vendredi en soirée. Les clients profitent de leur passage pour rendre les bocaux et les cagettes consignés. Chaque bocal ramené permet au client de recevoir un avoir de 10 centimes pouvant être utilisé lors de la prochaine commande : ce système s’appelle la consigne inversée (Figure 2). Ce principe permet de rendre la consigne gratuite contrairement à sa version classique. En effet, dans le cas de la consigne classique, le consommateur doit payer une somme d’argent supplémentaire pour chaque achat d’un produit consigné, somme qui lui sera retournée lorsqu’il rapportera l’emballage vide. Dans le cas d’un drive « zéro déchet », cette avance d’argent peut devenir importante et constituer un frein économique pour certains clients. C’est pour répondre à cette limite que La Palanche a mis en place ce principe de consigne inversée.

Une gamme diversifiée de produits

La Palanche a à cœur de proposer des produits de qualité. Ces derniers sont ainsi choisis un par un par les membres de l’équipe, qui les testent avant de les mettre en vente. Ils font tout leur possible pour sélectionner en priorité des produits bio et locaux, qui représentent environ 75 % de leur gamme. Ils vendent également certains produits exotiques comme le chocolat ou le café, en appliquant un critère impératif de sélection : l’équité via des filières responsables. La Palanche propose ainsi une gamme diversifiée de produits alimentaires frais et d’épicerie, mais également des produits ménagers, cosmétiques et hygiéniques, tous conditionnés en vrac et dans des contenants consignés.

Une volonté de valoriser des producteurs en circuit court de proximité encadrée par l’économie circulaire

Comme expliqué précédemment, l’approvisionnement en circuit court de proximité est au cœur du projet de La Palanche. Le drive travaille ainsi avec quatre-vingts producteurs de sa région, situés dans un rayon géographique de moins de 150 km. Cependant, les chaînes d’approvisionnement en vrac et en consigne sont encore à l’état embryonnaire en France. Une nouvelle logistique de conditionnement doit ainsi être mise en place afin de développer des livraisons entraînant le moins possible de déchets plastiques. La Palanche a donc pour objectif de travailler main dans la main avec ses producteurs-fournisseurs dans le but de créer des partenariats ancrés dans l’économie circulaire. En effet, dans une logique de « zéro déchet », la finalité serait que l’ensemble de ses fournisseurs adoptent un principe de consigne. Plusieurs options sont ainsi envisagées, en fonction des possibilités des producteurs :
  le producteur conditionne lui-même ses produits dans ses bocaux consignés, qui seront nettoyés puis lui seront rendus par La Palanche lors de la prochaine livraison ;
  dans le cas où le producteur n’a pas son propre système de contenants consignés, il peut conditionner ses produits directement dans ceux prêtés par la Palanche ;
  le fournisseur a la possibilité de livrer ses produits en volumes importants dans des emballages en matière recyclable ou/et réutilisable (sacs en papiers de 25 kilos ou bien seaux à grande capacité de volume).

Le partenariat qui a pu être créé avec la ferme de Lacamp, située dans le Gard, est un exemple de partenariat inscrit dans ce principe du « zéro déchet ». Grâce à une étroite collaboration, La Palanche et la ferme ont su développer une gamme de yaourts conditionnés dans des bocaux en verre consignés. De plus, de nouvelles saveurs de yaourts ont été créées à la demande du drive, permettant de diversifier l’offre proposée et créant ainsi une nouvelle valeur ajoutée en faveur de la ferme. La Palanche travaille également sur ses prix de vente et ses prix d’achat pour assurer une rémunération juste des producteurs. À travers ses partenariats, ce projet permet de redonner du sens au travail agricole et de rééquilibrer les rapports de force entre l’amont et l’aval des filières alimentaires. En plus de créer des partenariats fondés sur une relation de confiance avec ses fournisseurs, La Palanche souhaite mettre en avant le travail de ces derniers auprès de ses clients. Ainsi, pour chaque produit proposé sur son site, une fiche détaillée présente l’origine du produit, son producteur et la manière dont ce dernier travaille. La Palanche contribue donc à soutenir et à développer des partenariats avec des producteurs locaux engagés (ou souhaitant le devenir) dans des pratiques de « zéro déchet ».

Une entreprise ancrée dans l’économie sociale et solidaire

Le terme d’économie sociale et solidaire (ESS) « regroupe un ensemble de structures qui reposent sur des valeurs et des principes communs : utilité sociale, coopération, ancrage local adapté aux nécessités de chaque territoire et de ses habitants. Leurs activités ne visent pas l’enrichissement personnel mais le partage et la solidarité pour une économie respectueuse de l’homme et de son environnement » (Avise, 2020). La Palanche s’inscrit dans le cadre de l’ESS du fait de ses valeurs et de son statut. Premièrement, ce drive est un projet à utilité environnementale et sociale car il répond aux besoins d’une population d’un territoire et offre une solution pour réduire la pollution plastique. Deuxièmement, La Palanche a adhéré aux principes de l’ESS en choisissant d’inscrire ses propres principes dans la forme juridique de sa société. Ce statut prône un contrôle des écarts de salaire entre les plus hauts et plus bas revenus, le salaire le plus élevé de l’entreprise ne devant pas être supérieur à cinq fois le salaire le plus bas de l’entreprise. Il assure également une lucrativité limitée avec l’obligation de réinvestir 50 % des bénéfices dans l’entreprise afin de limiter l’enrichissement individuel. Enfin, une gouvernance participative a été mise en place suivant la règle « un associé égale une voix ».

La Palanche a poussé encore plus loin le principe de l’ESS en prônant la coopération et la solidarité, et non la concurrence entre les acteurs économiques. Suivant cette logique, La Palanche a été le précurseur dans la création du réseau de drives « zéro déchet » d’Occitanie. Ce réseau est composé, en plus de La Palanche, du Petit Circuit et du Drive en Vrac (situés au sud et à l’est de Montpellier), mais également des drives Click and Vrac de Nîmes et du Vrac Market d’Alès. Cette mise en réseau a pour but de développer «  une concurrence positive et intelligente  ». C’est dans cette logique qu’une charte de bonnes pratiques a été adoptée. Elle a été signée dans un premier temps avec les deux autres drives « zéro déchet » de Montpellier afin de délimiter leur zone d’implantation respective pour ne pas se faire concurrence et toucher une plus large clientèle. La charte vise également à développer une communication transparente au sujet des actions entreprises par chacun des drives, comme l’ouverture d’un nouvel espace de retrait. Enfin, cette charte a pour objectif de faciliter le partage d’expériences et de mutualiser la logistique. Il existe ainsi le souhait de créer des groupements d’achat pour certains produits avec l’ensemble des drives du réseau. L’objectif est de mutualiser certaines commandes de fournisseurs de la région afin d’augmenter les volumes et de diminuer ainsi les coûts de livraison. C’est par exemple le cas avec un fournisseur de lait se trouvant dans le Tarn. En livrant son lait à plusieurs drives « zéro déchet » en une fois, ce producteur peut rentabiliser en l’espace d’une commande ses frais de livraison, qui peuvent atteindre un coût assez élevé. Enfin, dans un futur proche, ce réseau permettrait aux drives de s’entre-aider en cas de rupture de stock.

QUELQUES LIMITES

Un équilibre du modèle économique encore non trouvé

Malgré le succès rencontré, La Palanche est encore, après quelques mois d’existence, dans une phase de pérennisation de son modèle économique et logistique. En effet, il lui faut trouver le bon équilibre entre le rythme de conditionnement des produits et l’arrivée croissante de nouveaux clients. La Palanche est aujourd’hui en phase de croissance, avec une forte augmentation du volume de clients, et donc des commandes. Ce rythme entraîne des ruptures de stock de certains produits, en particulier ceux ayant besoin d’un conditionnement effectué par l’équipe. Des aménagements logistiques sont en cours pour optimiser le temps de travail et réduire les pertes de temps liées aux tâches les plus chronophages pour éviter ces ruptures et répondre à la demande d’une clientèle de plus en plus fidèle.

Un nouveau circuit de distribution vraiment accessible à tous ?

Grâce à son format de drive, La Palanche a su développer une offre pratique et facile de produits en vrac. Du fait de son positionnement géographique dans la banlieue nord de Montpellier, elle permet de rendre accessible le vrac aux populations éloignées du centre-ville, où se trouve la majorité de l’offre en vrac, et à celles n’ayant pas le temps et/ou l’argent pour investir dans des bocaux et sachets nécessaires à ce mode d’achat. Cependant, en faisant le choix de sélectionner des produits de qualité d’un point de vue gustatif, environnemental et équitable, La Palanche propose des tarifs qui peuvent sembler inaccessibles pour certains consommateurs. Il est toutefois important de noter que la majorité des produits proposés restent moins chers que leurs équivalents que l’on peut trouver en magasins spécialisés en bio et en vrac. De plus, il est primordial de comprendre que La Palanche met en avant le principe du prix juste en garantissant des prix rémunérateurs aux producteurs avec qui elle travaille. Malgré ces limites, l’équipe souhaite continuer à développer sa gamme de produits à petits prix et elle garde la volonté de s’engager dans des actions touchant un public plus précaire économiquement. Dans cette logique, La Palanche va collaborer dès la rentrée prochaine avec le bureau des étudiants de Montpellier SupAgro et de l’école de Chimie de Montpellier afin de proposer des paniers de produits à petits prix aux étudiants de ces écoles.

Un impact environnemental encore peu mesuré

Même si ce drive « zéro déchet » permet une réduction indéniable des déchets plastiques par rapport à un mode de consommation conventionnel de type grande distribution, ses réels impacts environnementaux sont encore peu mesurés. En général, peu d’études ont été conduites pour mesurer l’impact environnemental global (CO2, transport, lavage, etc.) du vrac ou de la consigne tout au long du cycle de vie des produits. En effet, les impacts de certains paramètres clés sont encore difficiles à prendre en compte, tels que l’impact de l’organisation logistique, l’impact de la fabrication des contenants mis à la disposition des consommateurs, l’impact des pertes éventuellement générées lors de l’étape de conditionnement des produits et en magasin, ou encore l’impact du comportement du consommateur lors de l’usage du produit (impact potentiel dans le cas d’un gaspillage alimentaire par exemple) (ADEME, 2012). Des études complémentaires doivent donc être réalisées concernant les solutions alternatives « zéro déchet » afin d’évaluer plus précisément leurs impacts socioéconomiques et environnementaux.

CONCLUSION

Le drive « zéro déchet » de La Palanche s’inscrit dans ce mouvement de foisonnement d’initiatives citoyennes promouvant une alimentation de proximité, durable et responsable qui a émergé ces dernières années. C’est un projet innovant alliant réduction des déchets plastiques et valorisation d’une production locale et engagée, et aidant au développement d’un nouveau paysage alimentaire inscrit dans la durabilité.

Auteure : Marie May